Au Festival d'Avignon, les intermittents rappellent à
Hollande ses engagements passés
http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/07/13/au-festival-d-avignon-les-intermittents-rappellent-a-hollande-ses-engagements-passes_3447347_3246.html
Chaque année, le festival d'Avignon sert de baromètre du
climat social dans la culture et les arts. On peut dire que l'année 2013 est
sensible. Un an après l'élection de François Hollande, le mécontentement, ou le
doute, se lit jusque sur les affiches de spectacle du off.
"Le changement, c'est maintenu ?", interroge la
pièce d'Yves Cusset, à l'espace Alya, en souvenir du slogan du candidat
François Hollande. Les raisons du mécontentement sont multiples : le ministère
de la culture verra son budget diminuer en 2014 ; le dégel des crédits ne
touche que le spectacle vivant en région, ainsi que les arts plastiques, mais
pas les grands opérateurs (opéras, théâtres nationaux...) ; le mot
"culture" ne figure pas dans le projet de loi de décentralisation,
etc. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui fait les arbitrages, est dans
la ligne de mire. L'ancien maire, qui a fait de Nantes une ville culturelle, déçoit.
"Jean-Marc Ayrault, vérité à Nantes,
erreur au-delà", résume François Le Pillouër, patron du Syndeac, qui
regroupe les employeurs des plus gros établissements culturels.
Lire le point de vue de Catherine Tasca (Sénatrice, ancienne
ministre de la culture (2000-2002)) : "Alerte sur le budget de la
culture"
Mais un sujet occupe particulièrement les esprits :
l'assurance-chômage des artistes et des techniciens. Les annexes 8 et 10 de
l'Unedic prévoient des règles spécifiques pour compenser les aléas de l'emploi
artistique. Depuis 2003, les techniciens doivent réaliser 507 heures en dix
mois – et les artistes 507 heures en 10,5 mois – et ouvrent des droits sur une
période de 243 jours (soit 8 mois). Auparavant, les 507 heures pouvaient être
réalisées sur douze mois, et l'indemnisation courait sur autant.
ANNULATION DU FESTIVAL D'AVIGNON EN 2003
La réforme de 2003, signée par le Medef et la CFDT, avait
été à l'origine de l'annulation du festival d'Avignon. Dix ans plus tard, il
s'agit d'endiguer la contestation : en septembre, les négociations sur
l'assurance-chômage vont commencer entre les partenaires sociaux. En période de
crise, les annexes 8 et 10 vont-elles être rabotées ? Samedi 13 juillet, dès 9
heures du matin, et avant la manifestation des professionnels du spectacle
vivant, vers 11h30, les deux ministres en charge du dossier, Aurélie Filippetti
pour la culture, et Michel Sapin pour le travail, ont tenu à réunir les
organisations syndicales et patronales du secteur, sans oublier la Coordination
nationale des intermittents.
Une réunion solennelle, à la préfecture et en présence du
préfet du Vaucluse, Yannick Blanc, à laquelle Le Monde a pu assister. Les deux
ministres ont à nouveau exprimé leur soutien sans faille à l'assurance-chômage
des artistes et des techniciens. "Je n'accepterai pas de stigmatisation
des intermittents !", a prévenu Aurélie Filippetti. Michel Sapin, lui, a
répété qu'il n'y a pas lieu de brandir le déficit d'un milliard d'euros des
annexes 8 et 10. Il est logique, a-t-il dit, qu'un dispositif conçu pour des
salariés précaires présente une balance négative. En période de crise, l'assurance-chômage
doit jouer son rôle d'amortisseur. "Il faut sortir d'un discours
idéologisé et simplifié à l'extrême", a-t-il résumé. Et, tandis que que
Pôle Emploi a été montré du doigt pour sa "méconnaissance" du dossier
et ses contrôles "idéologiques , Michel Sapin a annoncé qu'une réunion
serait organisée à la rentrée, entre Pôle Emploi et les syndicats du spectacle
vivant.
"HOLLANDE ÉTAIT VENU NOUS SOUTENIR EN 2004"
Oui mais encore ? La Coordination des intermittents, qui
organise un débat sur la réforme des annexes 8 et 10, dimanche 14 juillet, à la
Maison du Off, estime qu'il faut aller plus loin. L'un de ses porte-voix, le
comédien Samuel Churin, estime que le gouvernement doit soutenir le retour aux
"507 heures sur douze mois". C'est ce que défendaient... les
socialistes, dès 2004, avec leurs alliés verts, communistes, et quelques
députés de droite, comme Etienne Pinte. Un "comité de suivi" avait
été créé, rassemblant la Coordination, des élus de tous bords, des syndicats.
"Au printemps 2004, lors d'une conférence de presse à l'Assemblée
nationale, François Hollande, alors premier secrétaire du PS, était venu
soutenir nos propositions", a rappelé Samuel Churin, samedi matin. Le 12
octobre 2006, les députés avaient examiné la proposition de loi socialiste
visant à rétablir les 507 heures sur douze mois. Jean-Marc Ayrault était alors
président du groupe PS. Par une manœuvre de procédure, l'UMP avait empêché le
vote sur le texte, qui s'était retrouvé enterré.
Aujourd'hui, la Coordination ressort les dossiers et la
calculette. Une étude va être menée par le chercheur au CNRS, Mathieu Grégoire,
visant à évaluer l'impact d'un retour aux 507 heures sur douze mois. Et le
"comité de suivi" a été réactivé il y a quelques jours. Souvenirs,
souvenirs.
Clarisse Fabre